Depuis plus de 40 ans, Cabu était mon ami. Je l'avais rencontré dans Pilote, avec le grand Duduche, puis dans Charlie Hebdo, que j'ai acheté chaque semaine jusqu'en 1982, puis lors de sa ressortie en 1992 jusqu'à maintenant, puis dans le Canard enchainé, que j'ai aussi acheté régulièrement depuis qu'il s'y était installé en 1982, après l'interruption de la première version de Charlie. J'ai acheté, et lus, et relus, et relus, la plupart de ses albums, depuis les historiques des Editions du Square, comme Les aventures de Madame Pompidou ou A bas toutes les armées, ceux des éditions Dargaud, ceux des éditions Albin Michel, ses albums de reportages dessinés, ceux sur le jazz, et même la bande dessinée du film l'inspecteur la bavure.. Depuis donc 40 ans, chaque semaine de ma vie, Cabu m'a fait rire ou sourire au moins une dizaine de fois avec ses dessins toujours si justes sur notre société, sur nos contemporains, sur l'actualité, sur la politique, des dessins dont la virtuosité du trait et l'intelligence du propos, qui pouvaient faire preuve d'une extraordinaire férocité tout en laissant transparaître l'extrême gentilesse de leur auteur, m'ont toujours confondu, m'ont toujours émerveillé, ont parfois suscité chez moi de légitimes et saines indignations, ont éveillé et maintenu en éveil mon esprit critique (et m'ont fait également découvrir ou redécouvrir et mieux apprécier Cab Calloway, Charles Trenet et Dubout). Au moins cinq cent sourires ou rires tous les ans, depuis 40 ans. Au moins 20 000 milles sourires ou rires, ou indignations, depuis 40 ans, et qui ont en grande partie structuré ma personnalité, mes valeurs, ce que je suis aujourd'hui. Quand une personne provoque de tels sentiments chez vous, quand une personne vous paraît si proche, si présente, même si cela se passe par l'intermédiaire de petits dessins dans des livres ou des journaux, et même si cette personne ne vous connaît pas, vous pouvez dire que, vous, vous la connaissez très bien, vous pouvez dire qu'elle est votre amie, comme l'ont été pour moi les autres dessinateurs ou rédacteurs de Charlie Hebdo, tels que Reiser, Cavanna ou Gébé. Cabu était donc mon ami depuis plus de 40 ans. Je sais que désormais, même si je ne verrais plus de nouveaux dessins de mon ami dans Charlie ou dans le Canard, je continuerai, en son hommage et pour mon plus grand plaisir, chaque semaine, à (re)lire quelques pages de ses albums immortels, et de ses nombreux recueils d'inédits non encore publiés ou de compilations qui continueront j'en suis sûr de paraître pendant encore de longues années et que, devant les événements qui continueront de rythmer l'actualité d'un monde devenu fou, je penserai très souvent à lui en imaginant les dessins que cette actualité aurait pu lui inspirer. En 1976, à l'occasion d'une convention de bandes dessinées, j'avais eu le bonheur de le rencontrer, et il m'avait fait ce petit dessin que j'ai évidemment précieusement conservé et que je reproduis ci-dessous. Je lui avais dit merci. Je le lui dis à nouveau, pour ce dessin d'il y a presque quarante ans, et pour tout ce qu'il m'a donné depuis, pour tout ce qu'il nous a donné : Merci Cabu.
Très émouvant.j espère que tu as envoyé ton article à Charlie...
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